Mon premier bébé est né en maternité.

Une maternité parisienne très réputée pour son respect de l’accouchement naturel, physiologique. Avec une super salle « nature » et sa grande baignoire. J’ai été absolument ravie de la préparation que j’ai pu y faire et j’ai trouvé tous les rendez-vous agréables, instructifs, respectueux… bref j’avais très hâte d’y accoucher.

Et puis mon bébé est arrivé fin juillet, en pleine canicule, et sans l’équipe soignante habituelle (vacances estivales obligent).

 

J’avais préparé un projet de naissance qui n’a pas été respecté.

Je gérais très bien les contractions installée dans mon grand bain. Mon col se dilatait, mais trop doucement pour la sage-femme (un peu à l’ancienne). Il faut savoir qu’on donne une moyenne de temps de dilatation d’un centimètre par heure (la dilatation complète étant à 10cm). Mais ce n’est qu’une moyenne et pour un premier accouchement ça peut être beaucoup plus long. Tant que bébé et maman va bien aucune raison de faire quoi que ce soit. Mais cette sage-femme a décidé de me rompre la poche des eaux pour accélérer un peu les choses. J’avais écrit noir sur blanc que je ne le voulais pas mais au moment où elle me le propose je ne sais pas pourquoi je me laisse faire.

 

Bébé en souffrance

A partir de ce moment là les contractions sont devenues tout à coup très violentes, je me suis mise à moins bien respirer, mon bébé a commencé à souffrir des contractions qui appuyaient sur lui directement, et peut-être que ma respiration n’était pas suffisamment ample pour l’oxygéner correctement. Je n’en sais rien. Toujours est-il que le liquide amniotique qui continuait de s’écouler hors de la poche (des eaux) percée et donc hors de moi, dans la baignoire, était « teinté ». C’est à dire que bébé avait fait ses selles, ce qui montre une souffrance foetale.

Il a donc été décidé de me faire sortir de l’eau, et d’accélérer l’accouchement avec injection d’ocytocine de synthèse (l’hormone qui provoque les contractions, entre autres effets). Ne gérant plus du tout la douleur j’ai aussi demandé la péridurale.

Ensuite bébé a encore mis du temps à descendre dans mon bassin. Ca a été long et j’ai été prise de panique. Peur panique que bébé soit coincé et ne sorte pas.

On m’a dit que je devais aider bébé en poussant. La péridurale m’avait laissée quand même assez mobile, j’ai pu changer de position, à quatre pattes, allongée sur le côté… rien n’y faisait. Je ne ressentais absolument pas l’envie de pousser et on me disait de pousser quand même. Bébé progressait un peu puis repartait en arrière dès que j’arrêtais.

On me faisait pratiquer la poussée bloquée : je prends une grande respiration, je bloque et je pousse. Cette pression a fait rompre les petits vaisseaux du visage, si bien que je me suis retrouvée toute rouge ensuite, comme si j’avais pris un coup de soleil ! C’est aussi une énorme pression sur le périnée. On pousse tout, bébé bien sûr (le contenu) mais aussi les organes, dont l’utérus (le contenant).

Le réflexe de poussée naturel permet de ne pas tout pousser en dehors mais de laisser l’utérus faire descendre bébé tout en restant à sa place.

Place au gynéco

Bébé ne sort toujours pas. On fait venir le gynécologue obstétricien. Il essaye d’ouvrir le passage. Il met ses doigts dans mon vagin et pèse de tout son poids dessus… je le vois se « pendre » à mon périnée ! Ca ne marche toujours pas. Il prend les forceps et le scalpel et coupe (la fameuse épisiotomie). Il place les forceps et me demande de pousser. Je me sens écartelée ! Mon bébé sort enfin, et là tout s’efface. J’oublie tout ça et seules les traces des forceps sur sa petite tête me rappelle que son premier contact avec le monde furent ces pinces de métal froid.

Perdue et seule

Les suites de couches furent aussi difficiles. Mon mari ne pouvant pas rester sur place la nuit je me suis retrouvée seule avec mon bébé, complètement perdue et très peu accompagnée. Je sonnais pour demander de l’aide quand bébé pleurait on me répondait  » c’est comme ça un bébé ça pleure ». Heureusement un matin une sage-femme m’a donné le conseil de prendre bébé avec moi dans le lit et ça nous a tous les deux rassurés. Lorsque je demandais de l’aide pour l’allaitement on venait me voir une fois sur trois. Heureusement que tout s’est mis facilement en place. Mais je ne me suis pas du tout sentie soutenue et entourée.

J’avais mal au dos, aux seins, au ventre, au périnée (je ne savais pas comment me mettre pour allaiter sans souffrir en appuyant sur la cicatrice de l’épisiotomie (on ne m’a même pas donné une petite bouée gonflable pour m’asseoir sans douleur)

Le retour à la maison a été un grand soulagement.

Un mois plus tard j’ai du revenir aux urgences pour cause de saignement inquiétant et j’ai été très mal reçue. J’ai subie ce que je considère être une violence gynécologique. J’en ai déjà parlé sur les réseaux sociaux mais j’en parlerai à nouveau dans un article.

 

 

La prochaine fois on fera autrement

Je suis retombée enceinte quand mon fils a eu un an.

Je me suis tout de suite dit que ça serait différent. J’ai essayé encore une fois de m’inscrire au CALM (maison de naissance dans le 12ème arrondissement de Paris) mais ayant appris que j’étais enceinte sur le tard je n’ai pas eu de place. J’ai parlé de l’accouchement à domicile à mon mari mais il n’était pas pour. Je me suis donc inscrite aux Lilas et j’ai fait mon suivi en ville avec une sage-femme libérale proposant de la sophrologie.

C’est grâce à elle, et à son discours sur la physiologie de l’accouchement, que mon mari a changé d’idée, sur le tard (un peu plus d’un mois avant la date du terme).

Je me suis précipitée sur le téléphone pour contacter des sage-femmes pratiquant l’accouchement à domicile (très rares car elles ne peuvent pas être assurées, le coût de l’assurance représentant le montant de leurs revenus sur un an !)

Une d’entre elles a finalement accepté de me suivre sur le tard, puisque c’était un deuxième accouchement.

La préparation a été express. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, au cabinet et à la maison. Et nous nous sommes préparés (achat d’un chauffage d’appoint, de bâches de travaux pour protéger la chambre, le lit, le mobilier), de draps, de bétadine, d’antibiotiques (porteuse du streptocoque B je devais faire un antibiothérapie au début et au long du travail) et d’un petit nécessaire d’hygiène pour bébé.

Le jour J

Un soir d’avril (ma date de terme était une semaine plus tard) je commence à ressentir des contractions un peu douloureuses. Je me dis que c’est pour bientôt et je me mets à tout nettoyer dans l’appartement pendant que mon mari fait les comptes (chacun sa façon de préparer le nid).

Au petit matin les contractions s’accélèrent. J’appelle mes parents et leur demande de venir chercher notre fils ainé.

Personne n’est au courant que je vais accoucher à la maison. Je ne voulais pas les angoisser, ni qu’ils essayent de m’en dissuader.

Je leur dis que je veux rester longtemps à la maison avant de partir à la maternité, je leur laisse un trousseau de clé et leur dit qu’ils pourront revenir à l’appartement quand nous serons partis.

J’appelle la sage-femme sur son portable d’astreinte dédié aux appels des accouchements à domicile vers 8H. Elle me dit qu’elle arrive d’ici une petite heure (le temps de tout préparer et de venir en voiture depuis la banlieue et de trouver une place dans mon quartier parisien)

Arrivée de la sage-femme

Mes parents récupèrent mon fils lorsque la sage-femme arrive vers 9H.

Je suis déjà bien dilatée (5cm si mes souvenirs sont bons), je tourne et tourne autour de la table de la salle à manger, certaines contractions me font vomir. J’ai mal mais c’est supportable.

La sage-femme me dit que je peux avoir accouché dans 1 heure comme dans 5, selon mon lâcher-prise psychologique.

Ca sera plutôt 5h, de très longues heures.  Je trouve des positions antalgiques et traverse les contractions en évitant de ressentir, en contrôlant au maximum. Elle me dit qu’il va falloir que j’accepte de passer par la douleur pour pouvoir donner la vie. Mais je m’y refuse. Il faudra que mon mari me motive et me soutienne pour que j’accepte de changer de position, de me mettre accroupie, de me pendre à son cou…

Perdre pied

J’ai terriblement mal, à chaque contraction je me jette sur le parquet du salon, je me demande pourquoi j’ai choisi de faire ça là, je réclame la péridurale (tout en sachant que je ne peux pas l’avoir…). C’est étrange de me replonger dans ces souvenirs, car j’ai complètement oublié la douleur. J’ai l’impression d’exagérer en écrivant.

J’avais imaginé pouvoir traverser tout cela, en surfant sur la vague des contractions, en positivant la « douleur » pour la sublimer en une « sensation » intense mais positive, qui me rapproche de mon bébé et de notre rencontre.

J’ai longtemps stagné au stade auquel j’étais arrivée seule avec mon premier. Psychologiquement je pense que je ne me sentais pas capable d’aller plus loin seule, car le personnel soignant avait pris le relais à ce moment là la première fois. Je n’autorisais donc pas mon corps à aller jusqu’au bout seul. Je ne me sentais quelque part pas capable.

Je lâche-prise

A partir du moment où j’ai lâché prise, où j’ai laissé mes sensations, mon corps, prendre toute la place, où j’ai cessé de raisonner, de contrôler avec ma tête, où j’ai accepté d’avoir mal, tout s’est accéléré.

Je me suis vite retrouvée dans ma chambre, que mon mari avait entièrement bâchée selon les instructions de la sage-femme.

Ma fille est descendue dans mon bassin, je me suis mise à avoir envie de pousser. A chaque fois que je « poussais » cela soulageait la douleur. J’ai pu toucher la tête de mon bébé, encore entièrement entouré de mon périnée que j’ai senti s’ouvrir tout doucement.

Je sentais les cheveux de ma petite. Je poussais pendant la contraction et je me détendais et respirais tranquillement entre temps.

J’ai ressenti le besoin de crier en poussant (mes pauvres voisins…). Je m’étonnais moi-même de cette voix, de ce timbre, de la puissance de ce cri que je ne connaissais pas, que je ne soupçonnais pas.

Mon périnée s’est mis à brûler au passage de la tête. J’ai poussé pour me soulager et la tête est sortie. J’ai eu ensuite un répit, j’ai attendu la contraction suivante pour accompagner la poussée et sortir le reste du corps de mon bébé, réceptionné par ma sage-femme et moi.

 

Mise au monde

Ma fille est née à 13H30.

Nous sommes restées en peau à peau, le cordon ombilical a été coupé tardivement, une fois qu’il eut cessé de battre. Ainsi ma fille a été oxygénée par le cordon et par ses poumons à la fois, permettant une meilleure transition, moins stressante et une meilleure oxygénation. Les bébés dont on coupe le cordon plus tard sont reconnaissables car ils restent longtemps très rouges (ils gardent plus d’hémoglobine dans le corps, ce qui l-permet aussi d’éviter toute anémie les premiers mois).

Délivrance et perte de sang

Je suis restée allongée avec mon bébé en attendant la délivrance du placenta, réceptionné dans notre saladier de cuisine ! Il était entier et ma sage-femme n’a pas eu à aller chercher des morceaux à l’intérieur.

J’ai par contre perdu beaucoup de sang tout à coup. La sage-femme m’a aussitôt fait une piqure d’ocytocine pour forcer les contractions de l’utérus qui permettent de fermer les vaisseaux et stopper le saignement. Elle a aussi mis rapidement ma fille au sein pour stimuler ce même processus de façon naturelle. Elle s’est tenue prête à me réinjecter un produit plus puissant pour stimuler les contractions et colmater les vaisseaux. Et s’il avait été nécessaire elle aurait demandé mon transfert en ambulance vers des urgences pour que je puisse être transfusée en cas d’hémorragie.

Heureusement tout s’est arrêté là. J’ai du rester allongée et elle m’a demandé de bien boire (pour me réhydrater et aider mon corps à remonter sa tension) et de manger. Mon mari a été aux petits soins pour moi.

J’ai eu des petites déchirures superficielles au niveau du périnée mais j’ai choisi de ne pas y toucher et de laisser mon corps cicatriser seul. Après une épisiotomie c’était braiment de la « gnognotte » comme on dit.

 

Retour au calme

Après une surveillance de quelques heures ma formidable sage-femme est repartie, et j’ai rappelé mes parents (qui se doutaient à ce moment là que j’avais décidé de ne pas aller à la maternité). Mon fils est arrivé dans notre chambre pour rencontrer sa petite-soeur. Il était 17H.

Notre famille a pu venir la rencontrer immédiatement. J’étais bien, heureuse, entourée. Je savais que je serai avec eux ce soir, cette nuit.

Le soir même j’ai pu coucher mon fils dans son lit et lui lire une histoire.

Ma sage-femme m’a appelé pour savoir comment ça allait.

Le lendemain et les jours suivants elle ou sa collègue viendrait à domicile encore, pour vérifier que tout allait bien pour ma fille et pour moi.

Les suites de couches

Les jours suivants je devais rester au maximum allongée pour préserver mon périnée. Ma maman est venue toute une semaine pour tout faire pour moi : s’occuper de mon fils (en journée à la crèche), me faire des courses et à manger, du ménage, des lessives… C’était vraiment super. Je pouvais me reposer et profiter de ma fille, chez moi, entourée d’amour et des miens.

Ma sage-femme venait tous les jours et s’assurait que ma fille ne faisait pas de jaunisse et tétait correctement en la pesant tous les jours.

J’ai attendu une semaine pour lui donner son premier bain. Je souhaitais qu’elle conserve encore un peu l’odeur du liquide amniotique si rassurante pour elle.

Mon périnée a très vite cicatrisé et mon utérus à continuer de saigner et de se nettoyer pendant quelques semaines.

 

Je suis forte et puissante

Je suis heureuse d’avoir vécu cette expérience, d’avoir vécu ce que vivent les femmes depuis la nuit des temps. J’ai eu l’impression de tirer un fil entre toutes les femmes de ma lignée.

J’ai pu toucher concrètement à ma puissance de femme, à ma force intérieure. C’était intense et magique. Cette douleur inimaginable qui s’évanouit tout à coup.

Je dis « douleur » car je suis encore très imprégnée de ma culture judéo-chrétienne (Eve accouche dans la douleur vous savez). Mais il faut savoir que dans d’autres cultures les femmes ne ressentent pas la « douleur » sous cette forme car elle sont moins conditionnées à devoir souffrir pour donner la vie. D’ailleurs dans les pays anglo-saxons (chrétiens certes, mais côté protestant) les maisons de naissance sont légion et les femmes accouchent très fréquemment sans péridurale. Dans les pays de culture catholique la péridurale est quasi systématique, et les césariennes programmées dites « de confort » (je mets les guillemets car je trouve ça assez méprisant comme terme, alors que chaque femme a le droit de demander l’accouchement qu’elle souhaite sans être traitée de « princesse » ou de « folle » selon son choix). Je veux juste souligner l’importance du milieu culturel sur le ressenti que l’on peut avoir des sensations dans son corps.

 

Voilà pour le récit d’AAD ou accouchement à domicile.

A bientôt,

 

Marine